Le Manifeste du « pays dans un pays » est court. C’est volontaire. Mais parfois, il survole un peu rapidement certaines notions ou certaines propositions. C’est pourquoi il est accompagné de « scolies », de longues notes de bas de page qui seraient vraiment trop longues comme notes de bas de pages… Comme le Manifeste, ces scolies ont plusieurs auteur·e·s et il est loisible à chacune et chacun d’en proposer l’une ou l’autre (ou de commenter celles déjà publiées).
(…) Les territoires et le temps sont des éléments indispensables pour qui voudrait construire une nouvelle situation qui ne soit pas une alternative au capitalisme mais qui entendrait en proposer l’antithèse. (…) Pays dans un Pays, Un Manifeste p.20
Ce qu’est un territoire ? Tout est territoire. Un champ est un territoire. Un bois est un territoire. Une habitation. Un groupe de maisons. Un quartier. Un village. Une ville. Mais aussi une rue. Mais aussi un trottoir. Mais aussi un toit. Mais aussi un jardin. Une terrasse, pareillement. Du métrage restreint d’un balcon aux vastes hectares d’une forêt en passant par des entrelacs de routes et le cœur battant d’une cité, tout est territoire. (…)
Ce qu’est un territoire ? La définition qui suit pourrait a priori sembler assez complète : ferait territoire ce qui est «agencement de ressources matérielles et symboliques capables de structurer les conditions pratiques de l’existence d’un individu ou d’un collectif social et d’informer en retour cet individu ou ce collectif sur sa propre identité». Elle l’est sans doute encore pour un urbaniste ou un aménageur, elle est cependant beaucoup moins pertinente pour qui voudrait faire pays dans un pays. La difficulté dans cette définition, c’est que non seulement elle continue de considérer l’être humain comme le bénéficiaire central, à titre individuel comme collectif, des ressources et des possibilités d’un territoire, mais qu’elle laisse en outre à penser que c’est l’usage fait de ce territoire qui constituerait un facteur identitaire. Or, comme nous avons appris à le savoir, l’usage propriétaire d’un territoire (par le fait d’en user, d’en récolter les fruits et d’en abuser : c’est l’usus, le fructus et l’abusus du droit de la propriété, tous trois pouvant être fondus et confondus dans le seul terme d’exploitation) engendre le plus souvent sa dégradation et son épuisement. Est-ce vraiment de cette identité territoriale que nous voulons nous inspirer ?
En regard, posons ce que dit du territoire l’architecte (et urbaniste) italien Alberto Magnaghi : « Le territoire local n’est plus connu, ni interprété ou mis en scène par les habitants comme un bien commun producteur des éléments de reproduction de la vie biologique (eau, sources, rivières, air, terre, nourriture, feu, énergie) ou sociale (relations de voisinage, conviviales, communautaires, symboliques) ». En quoi il faudrait alors comprendre qu’un territoire serait ce qui permet à l’ensemble de ses habitants d’assurer les conditions de continuité de la vie, biologique comme sociale, dans un espace destiné à reconquérir une dimension commune. Cette proposition, où il n’est pas question de construire une identité mais bien des engagements, nous est évidemment beaucoup plus chère…
Ce qu’est un territoire ? Nous aimons aussi l’idée d’un territoire palimpseste, jamais vraiment fini et jamais vraiment défini, toujours recommencé. L’urbaniste André Corboz pensait que « les habitants d’un territoire ne cessent de raturer et de récrire le vieux grimoire des sols ». Nous partirions volontiers de l’idée qu’un territoire, ce sont des ratures et des réécritures. C’est pour cette raison aussi que nous avons choisi de penser ces territoires à partir des cours d’eau et des bassins versants.
Les territoires dont nous parlons sont, de quelque façon qu’on les envisage, des territoires en mouvement. Nous dirions d’ailleurs de ces territoires qu’ils sont nomades dans la mesure où ils déplacent aussi leur sens. Ces territoires sont en effet destinés à changer de statut, d’affectation ou d’usage. Mais ils sont surtout susceptibles de changer le regard que l’on porte sur eux. Ce sont ces territoires, en réécriture et en mouvement, qui font le pays dans le pays.
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(1) La définition initiale est due à l’archéologue Jacinto Jijón y Caamaño.
(2) Alberto Magnaghi, La Biorégion urbaine, petit traité sur le territoire bien commun, Editions Eterotopia 2014 ; Le Projet local, Bruxelles, éditions Mardaga, 2003
(3) André Corboz, Le Territoire comme palimpseste et autres essais, Les éditions de l’imprimeur, 2001.
(4) Voir la scolie #4 sur les bassins versants, Gary Snyder, le Chiapas et les rapports de force
(5) L’allusion au « jardin en mouvement » de Gilles Clément n’est évidemment pas fortuite. Ce philosophe-jardinier compte depuis longtemps au nombre des inspirateurs de ce pays dans un pays. Voir àj ce propos : Le Jardin en mouvement, Paris, Pandora, 1991 ; Manifeste du Tiers-paysage, éd. Sujet Objet, mai 2004 (rééd. augmentée chez Sens & Tonka, 2014) ; L’Alternative ambiante, Sens & Tonka, 2014
Basé sur les deux textes de Michel Foucault : Le corps utopique et Les hétérotopies
Tout est territoire. Ainsi commence l’une des scolies de ce manifeste d’extension. « Un champ est un territoire. Un bois est un territoire. Une habitation. Un groupe de maisons. Un quartier. Un village. Une ville. Mais aussi une rue. Mais aussi un trottoir. Mais aussi un toit. Mais aussi un jardin. Une terrasse, pareillement. »
Ainsi, le corps est avant tout aussi un territoire. Michel Foucault définit, dans « Le corps utopique », le corps comme le contraire d’une utopie. Le corps est irréparablement ici, jamais ailleurs. Il se peut bien, continue-t-il, que l’utopie première, celle qui est la plus indéracinable dans le coeur des hommes, ce soit précisément l’utopie d’un corps incorporel. D’où la naissance des masques et des statues, du maquillage, des tatouages, des bijoux et même des uniformes. (…)
À Bruxelles par exemple, nous savons toutes et tous ce que le parc Maximilien représente désormais. Mais qu’est-ce qu’un parc ? Quelle est sa fonction (en tous cas telle que conçue dans nos villes) ? N’est-elle pas, de prime abord, d’y faire la promenade, d’y faire jouer les enfants, de s’y détendre ?
Qu’est-il, à présent, si ce n’est à la fois un lieu de vie (de survie est plus exact), de logement précaire, d’attente inlassable, de dangerosité tant les flics y effectuent des rafles de plus en plus tôt et à toute heure ; en bref, il est devenu lieu d’inquiétude permanent plutôt que de détente.
Certaines hétérotopies sont créées (celles du pouvoir du moins) pour y reléguer les gens dits « à la marge ». Ainsi sont les prisons, les hôpitaux psychiatriques, les maisons de retraite, les hôtels, mais les cimetières aussi (l’on pourrait nous pencher sur cet accord de quatre milliards d’euros signé avec la Turquie pour garder les migrants « en dehors ») ; mais désormais aussi les centres fermés : le projet de maxi prison de Haren a pour but d’allouer une aile entière pour les personnes dites illégales, faute de papiers ; les autres centres fermés étant bâtis sur le modèle carcéral, se verront bientôt enfermer des enfants et des familles.
Les rafles qui s’intensifient pour ensuite les relâcher (s’ils ont la chance de ne pas être enfermés puis expulsés), le refus de créer un bâtiment sûr pour y dormir, et même le dédale administratif dans lequel les gens sont plongés s’ils ont eu la change d’apposer leur demande d’asile, ne sont-ce pas là des refus de leur donner un lieu de protection, n’est-ce pas là une manière bien sournoise de perpétrer à jamais leur condition d’exil – afin qu’ils soient le moins tentés de rester sur le territoire ? De n’être jamais là, jamais au terme de leur exil ?
Voilà qu’aujourd’hui, le simple fait de vouloir rentrer dans un territoire pour y trouver refuge, fait automatiquement refermer le territoire – à la manière d’un piège à loup – sur la personne.
En effet, pour le migrant, pour le corps du migrant, le caractère même de l’exil semble être constamment maintenu. Un être humain en exil est caractérisé par le fait qu’il n’a pas de lieu (obligé de vivre ailleurs que là où il est habituellement, que là où il est né). Empêcher à son corps de trouver refuge ou repos, c’est faire comprendre que son corps ne lui appartient pas, qu’il est soumis à un pouvoir qui s’offre le droit d’en disposer comme bon lui semble.
On l’aura compris, les hétérotopies créées par le pouvoir sont des lieux que celui-ci ménage pour reléguer les membres de sa société dont le comportement est déviant dans les marges qu’il fabrique. Par exemple, les chômeurs sont placés hors du monde dit actif. Mais l’hétérotopie n’est pas un lieu complètement clos, il peut avoir une ouverture, un lien avec le monde. Le PIIS peut être cette brèche par laquelle les chômeurs seront « réintroduits », avec toutefois cette perversion d’utiliser leurs corps, ce faisant, gratuitement. Et là encore le message du pouvoir est clair, celui de disposer du corps de ses sujets comme il l’entend. Si les migrants ne sont que des profiteurs, ou juste différents, donc du point de vue raciste déviants, on les enfermera. Et la présence toujours plus grande de flics et militaires dans les rues (premier symbole du non-déviant par excellence), atteste de surcroît l’usage que le pouvoir entend faire du corps des citoyens. Nous avons dit repousser en dehors, reléguer à la marge. Et bien ! Qu’est-il, par exemple, le règlement Dublin, sinon, en repoussant les immigrés aux limites – sur le plan géographique, mais économique aussi –, aux marges du territoire européen, la création d’une hétérotopie par excellence ? Comme le sont aujourd’hui les cimetières en dehors des villes, la méditerranée qui jouxte l’Europe.
Mais qu’advient-il de ceux qui y sont rentrés (dans le territoire) sans pouvoir y rester ? C’est la situation des « sans-papiers ».
L’autre jour, un ami m’appelle et me propose de passer un après-midi ensemble. Je dois décliner car je m’en vais voir un concert en France, à 10 km à peine de la frontière belge. Sur quoi mon ami me répond : « Ah, si j’avais eu des papiers, je serais bien venu avec ».
Et la situation me saute aux yeux : une personne « sans-papiers » aujourd’hui, c’est une personne qui ne peut pas être dans un pays duquel elle ne peut pas sortir non plus. Car en sortir c’est s’exposer au risque d’être arrêté ; y rester c’est constamment être placé dans l’u-topie de la marge, dans ce lieu qui n’en est en vérité pas un car légalement non reconnu.
Avec des règles bien strictes toutefois :
– Travail au noir dans des secteurs bien définis : textile, construction et horeca.
– Avec l’inépuisable menace de contrôles ne faisant qu’accroître précarité et insécurité.
– Avec des loyers sans contrats.
– l’absence de droits, de protections.
– etc.
La politique actuelle les veut relégués dans des lieux et des situations qui selon l’organisation générale ne peuvent exister – et donc n’existent pas. En bref, les rendre sans consistance (qu’une carte d’identité est mince pourtant), les rendre inexistants.
Ce n’est que là que la véritable chasse, que toutes leurs rafles peuvent être pleinement légitimées et assumées sans vergogne, puisqu’en vérité, ils ne chassent, ils ne raflent rien.
Alors d’autres lieux émergent : un hôtel, un ancien internat, une maison de repos transformés en occupation. Tiens, c’est drôle de voir d’ailleurs quel recyclage est fait des lieux qui initialement aussi ont pour vocation de maintenir « en dehors ». Quoi d’autre pour la prochaine fois ? Un hôpital psychiatrique désaffecté ? Dans quelques décennies les chancres qu’aura laissé le village de Durbuy après la tornade touristique de Marc Coucke ? Ou les vieux forts tels que Breendonk ?
On comprend vite à quoi ils veulent en venir : multiplier les lieux de marges en les interdisant, c’est faire d’une pierre deux coups, c’est avoir la possibilité de stigmatiser (car dans ces lieux, l’on y fait la même chose, on y est identique) : ainsi, tous les « sans-papiers » ou gauchistes sont des squatteurs (on comprend ainsi mieux la loi anti-squat) et donc personne (c’est-à-dire tous les autres) ne peut dès lors les fréquenter, puisqu’ils sont ailleurs, en dehors des lieux où la vie réelle (celle du bon sens, évidemment) se fait : puisqu’ils ne sont pas là. Ainsi, cela renforce l’utopie des corps selon laquelle celui-ci perd sa cloison individuelle pour devenir un lieu-commun : migrants, chômeurs et sans-papiers = profiteurs, dangereux, nuisibles = à nettoyer. Et la boucle est bouclée.
Seulement plus que jamais ne faut-il oublier que les deux rôles des hétérotopies sont :
– soit créer des illusions (ce en quoi le pouvoir excelle).
– soit de créer UN AUTRE ESPACE RÉEL.
Mais l’essentiel, c’est que les hétérotopies, nous rappelle Foucault, sont la contestation de tous les autres espaces. Ces espaces qui n’existent que grâce et par ce qui est contesté. Et si le capital fabrique de plus en plus des lieux incontestables (architecture imposante, privatisations, meilleurs rendements, bien-être, démocratie, etc.), ainsi que des lieux où la contestation est juste tolérée (pour les manifestations qui ne souffrent pas d’arrestations d’office), il est dès lors urgent de se déposséder des lieux préfabriqués (à commencer par le langage) afin que l’utopie n’ait lieu de vivre que dans son propre décloisonnement.
(…) La création de tels « espaces » suppose deux types de dépossession préalables : dépossession de territoires, dépossession de temps. Par dépossession, il faut bien entendu entendre « mutualisation ». Le terme choisi indique cependant la nécessité impérative d’une volonté forte et d’un engagement ferme pour qui entreprend de se déposséder… (…) Pays dans un Pays, Un Manifeste p.20&21
Ce que nous appelons dépossession dans le Manifeste n’évoque pas autre chose que la mise à disposition, la mutualisation, l’usage partagé d’espaces, de temps ou de moyens dont nous jouissons usuellement ou que nous occupons ordinairement. (…)
Si nous employons ce terme de dépossession, c’est précisément pour insister sur le caractère résolu et volontaire de l’acte à poser et pour souligner que la création de nouveaux communs, qui est l’objectif de ces dépossessions, ne peut se réaliser sans un minimum de détermination à questionner les logiques propriétaires qui sont « en nous ».
Cette détermination – ce passage à l’acte politique – nous l’avons donc nommée dépossession par antithèse à ces dépossessions non volontaires et non consenties qui sont la marque des prédations en cours. Ce dont on nous dépossède n’est évidemment pas équivalent ni comparable à ce dont nous décidons de nous déposséder. Contre ces dépossessions qui ne sont pas autre chose que des appropriations, il nous faut en effet lutter, comme il est indiqué dans le Manifeste, en ne concédant plus le moindre mètre de terre ni la moindre seconde de vie…
En revanche, dans le terme de dépossession tel que nous l’employons, il faut déjà lire le processus menant à la fabrication de ces nouveaux communs et à la construction politique qui s’ensuivra. Car ces dépossessions ouvrent un territoire nouveau en cela qu’elles forment, prises séparément ou considérées dans leur ensemble, un territoire dans le territoire. C’est à partir de là qu’il devient possible d’imaginer fabriquer un pays dans un pays, drainé et maillé par ces dépossessions territoriales, temporelles ou matérielles.
Pour réaliser ce pays dans le pays, les territoires (un pré, une forêt, un balcon par exemple) ne supposent jamais la propriété mais toujours la mise à disposition. La propriété n’est pas la condition de ce que nous appelons une dépossession : ce que l’on ne possède pas peut aussi être dépossédé.
Par exemple, un simple usage, comme celui d’un trottoir, peut être dépossédé. Ce n’est donc pas l’accumulation de ces territoires propriétaires qui font le pays dans le pays, mais bien l’usage partagé, commun, collectif de territoires, appropriés ou non.
C’est en ce sens que tout le monde, en ce compris un sans-abri, peut se trouver en capacité de dépossession et de mise en commun territoriale.
Cette fabrication n’appartient bien entendu pas seulement aux auteur.e.s de ce Manifeste et elle demande, notamment, de prendre en compte les diverses initiatives existantes afin d’en suggérer l’extension. Mais elle suppose aussi de lancer une offre à contribution publique sur des modes et des manières complémentaires de procéder à ces fabrications.
Pour exemple, dans les idées concrètes qui suivent et qui touchent de façon volontaire à des dépossessions territoriales à but essentiellement agricole ou alimentaire, un grand nombre de propositions existent déjà. Si nous avons choisi de les inventorier, c’est pour la raison qu’elles peuvent servir de source d’inspiration pour d’autres domaines et secteurs dépossédés.
Ces exemples sont classés en partant de dépossessions mineures, presque invisibles, à des dépossessions plus volontaristes. Ces exemples sont livrés ici dans le but d’ouvrir cette offre à contribution publique (1) et le même type d’inventaire demande à être réalisé pour les autres domaines d’intérêt du pays dans le pays.
° Mineure. Engagement à cultiver des plantes mellifères. Utile à la collectivité –production de miel – et également, par voie de conséquence, à la biodiversité. Ceci peut être par exemple adapté pour des petits territoires tels les balcons, les jardinets, les cours, les trottoirs, etc…
° Mineure. Engagement à cultiver des arbres ou légumes oubliés ou rares ainsi que les variétés locales de légumes… Utile à la biodiversité. Ceci peut être adapté pour des potagers ou des vergers existants.
° Mineure. Engagement au partage et au don de semences, de boutures, de bulbes, etc… Utile à la collectivité – économie d’achats – et à la biodiversité. Ceci peut être adapté pour des potagers ou des vergers existants.
° Faible. Mise à disposition d’un terrain (bois, verger,…) afin d’y encourager la cueillette ou le glanage de toute plante ou fruit comestibles ou à usage médicinal. Utile à la collectivité si transformation alimentaire faisant elle-même l’objet d’une redistribution ou si usage médicinal. Ceci peut être adapté pour les bois, champs ou vergers existants.
° Faible. Engagement à ensemencer un espace (champ, pâture,..) par des espèces florales destinées à créer un « jardin en mouvement » et à être éventuellement consommées (cuisine des fleurs). Utile à la collectivité – création d’un paysage, usage alimentaire – et à la biodiversité. Ceci peut être adapté à des espaces dépassant un are.
° Modérée. Engagement à planter une ou des haies. Utile à la collectivité – augmentation de l’infiltration de l’eau, réduction du risque d’inondation, limitation de l’érosion des sols, limitation des transferts d’éléments polluants, réserve de cueillette – comme à la biodiversité – richesse en habitats écologiques, présence de nids, d’insectes, protection des cultures abri pour la faune,…
° Modérée. Mise en partage des productions maraichères via un système type « Incroyables comestibles », c’est-à-dire par la construction et l’entretien de bacs de plantations où cultiver de la « nourriture à partager » dans des espaces non fermés, en bordure d’habitat. Ceci peut être adapté aux jardinets sur rue, aux plantations de trottoir.
° Modérée. Mise à disposition publique des surplus maraichers générés par un potager ou des récoltes de fruits excédentaires d’un verger. Ceci peut se faire via un système de contenants disposés en bordure d’habitat et proposant un libre-service gratuit. Ceci peut également contribuer à alimenter une cantine, une épicerie.
° Modérée. Mise en participation d’un espace potager et co-jardinage avec un voisin ou un proche. Utile à la convivialité. Ceci peut être adapté aux potagers en voie de constitution et destiné à des personnes d’un même quartier, d’une même rue.
° Forte. Mise en participation d’un espace à des fins d’usage collectif (potager, verger, basse-cour, petit élevage, rucher…). Utile à la collectivité. Ceci peut être adapté pour des espaces à partir de 5 ares.
° Forte. Mise à disposition d’un espace à des fins maraichère ou d’élevage à destination d’une coopérative agricole existante ou d’une association d’agriculteurs. Ceci peut être envisagé à partir d’un hectare.
° Forte. Verdurisation d’une toiture plate pour des usages pouvant allez jusqu’au co-jardinage. Installation d’un rucher. Utile à la collectivité.
° Forte. Intégration gracieuse des surplus de productions maraichères ou fruitières dans un circuit solidaire (conciergerie de quartier, restaurant social,…). Utile à la collectivité. Ceci peut être adapté à toutes sortes d’espaces maraichers.
Les ingrédients du pays dans le pays.
Ce qui va vers la fabrication du pays dans le pays (ce qui existe déjà, ce qui est là), c’est par exemple :
Les espaces de mutualisation de matériel (bibliothèques d’outils, repair cafés)
Les luttes locales contre les accaparements de territoires et de ressources (Grands Projets Nuisibles et Imposés, artificialisation de terres arables, ..), les ZAD,…
Les volontaires de la Plateforme Hébergement/Migrants
Les sentiers de Grande Randonnée
La maison des mendiants à Namur
Les coopératives de réappropriation ouvrière
Les ceintures alimentaires urbaines, les villes fertiles
Les territoires zéro chômage
Les fraternités ouvrières de Mouscron (semences)
Les cours d’eau sous contrats de rivière
Les habitats hors norme, le cohabitat, les Community Land Trust
Les jardins partagés
La friche Josaphat
L‘open source, les open data
Les donneries, ressourceries, recycleries
Les bourses de temps
Les monnaies locales
La plateforme contre la privatisation de Belfius (Belfius est à nous)
La campagne Tam Tam
Ce qui prépare la fabrication du pays dans le pays (ce qui n’existe pas encore, comment le faire), c’est par exemple :
Les marches
Les Bricos
Les combats (pour les services, les biens, les espaces) publics
Les dépossessions territoriales
Les fabriques de quartier
Les cafés/cantines
Les boutiques de lutte
Les ressourceries/brocantes/donneries de quartier
Les contributions
Les caisses de temps
La caisse commune
Les institutions autonomes
Les contre dispositifs
° Les marches
Les marches sont, historiquement, le premier des vecteurs d’intervention des Actrices & Acteurs des Temps Présents. En 2014, elles avaient pour mission de dresser un « cadastre des scandales et des merveilles ». En 2017, elles ont documenté des situations d’accaparements de territoires et de ressources lors de la « marches des communs » et ont traversé les communes de Wallonie au plus haut taux de pauvreté lors de la « marches des réparations ». D’autres marches ont été à la découverte de producteurs locaux ou se sont dirigées vers des CPAS dans le cadre des actions contre le service communautaire.
En traversant et en reliant entre elles des problématiques locales, les marches permettent d’établir un diagnostic de ce qui empêche l’avenir de venir. Conçues comme des marches narratives, elles sont aussi productrices de leur propre information. Elles représentent sans doute l’un des meilleurs moyens de diffusion de la proposition de faire pays dans un pays et elles sont aussi un outil subversif majeur.
Nous ne devons pas nous empêcher d’imaginer lancer une vaste campagne de marches, sur plusieurs mois.
° Les Brico
Imaginés et expérimentés à la suite et en conséquence de la marche des réparations de 2017, les Brico (Bureaux de Recherche et d’Investigation Communs) sont des espaces de débats tenus dans des quartiers au départ de cette simple question : « S’il fallait réparer quelque chose demain, par quoi commencerait-on ? ». D’une durée ne dépassant pas trois jours, s’adressant à des entités ou quartiers ne dépassant pas 5000 habitants et mettant en présence des personnes n’ayant ni mandat ni enjeux, les Brico permettent d’établir le diagnostic de ce qui bloque l’aujourd’hui. Idéalement les Brico pourraient fournir les cahiers de doléances (référence au processus de consultation prérévolutionnaire qui prépara les Etats Généraux avant 1789) et donner une base aux institutions autonomes du pays dans le pays.
Nous ne devons pas nous empêcher d’imaginer la tenue de 900 Bricos (soit un Brico par 5000 habitants sur une population globale de 4.500.000 personnes), en deux années maximum, sur le territoire du pays existant.
° Les combats (pour les services, les biens, les espaces) publics
Les interventions des Actrices & Acteurs des Temps Présents dans les débats et les combats publics ont été constantes, nombreuses et diversifiées. Nous avons entre autres lancé en 2016 un processus intitulé « 136 jours pour faire tomber le gouvernement », une campagne dont la volonté était d’être à la fois, au moment où étaient prises les premières mesures gouvernementales, dans la protection et dans la désobéissance civiles. Aujourd’hui et sur un certain nombre de points, Tam Tam en a pris le relais mais à l’époque, cette campagne n’a pas connu l’engouement espéré. Quoi qu’il en soit, la question de la sanctuarisation des droits, des espaces, des services et des biens publics constitue, pour notre front social, un marqueur puissant autour duquel toutes les actions, ou presque, peuvent être subordonnées. Qu’il
s’agisse de défendre le droit public (des visites domiciliaires à la question du secret professionnel des travailleurs sociaux), de défendre les espaces publics (la question de la prédation territoriale), de défendre les services publics (le soutien et le relais des prises de positions syndicales) ou de défendre les biens publics (la question territoriale encore ou le CETA, mais aussi de façon plus générale tout ce qui ressort des atteintes à la sécurité sociale).
Nous ne devons pas nous empêcher de nous associer et de nous fédérer plus largement que nous le faisons afin de démultiplier nos capacités d’action. Nous ne devons pas nous empêcher d’imaginer des actions moins symboliques.
(1) Sur les Ateliers ouverts et les lieux de débats et de co-construction, voir la scolie
Pays dans un Pays, Un Manifeste, p.25&26
(…) Il serait par exemple tentant, l’eau étant le premier de nos communs et sans doute celui dont l’appropriation conduit le plus directement à des situations belliqueuses, de redessiner la carte en fonction des fleuves qui traversent paysages et territoires. Cette perspective, cette mise en aval, permet sinon de quitter, au moins de redéfinir le cadre national – le cadre Etat-national pour mieux dire – et autorise à repenser radicalement les relations entre des communautés (…) Faire pays dans un pays suppose également d’installer un récit commun (pour ne pas dire un récit du commun) qui, partant des rues et des quartiers en cours de dépossessions diverses, s’inscrive dans un ensemble qui les comprenne et les dépasse ??? se trouvant sur le cours d’un fleuve ou sur les rives d’un de ses affluents en fonction de l’existence d’une ressource commune. Les bassins versants des fleuves, avec leur réticulation d’affluents et de sous-affluents, proposent en tout cas une architecture et une articulation propres à renouveler le regard et à susciter du rêve politique. (…) Pays dans un Pays, Un Manifeste, p.25&26
Sur la question de l’eau comme conductrice d’un récit (du) commun et sur les bassins versants comme vecteurs de rêve politique, il n’est sans doute pas inutile de se reporter à ce qu’en disait le poète Gary Snyder, compagnon de route de la beat generation et penseur de l’écologie, lors d’une conférence donnée à Sacramento en 1992. Le texte de cette intervention a paru quelques mois plus tard dans le San Francisco Examiner et a été publié pour la première fois en français, à notre connaissance, en 2018. Sa connexité avec les idées et les propositions défendues par les Actrices et Acteurs des Temps présents est évidente et l’on peut imaginer que son antériorité a sans doute influencé, par des chemins aussi souterrains que ceux qu’empruntent les sources, la notion même du pays dans le pays. Gary Snyder en défend en effet une version assez proche qu’il appelle « biorégion », un concept élaboré dès les années 1960 aux Etats-Unis. (…)
Nous ne pouvons que regretter que ce texte de Gary Snyder soit venu frapper à notre porte après l’impression du Manifeste, il l’aurait sans doute rendu plus riche d’expériences déjà accomplies, comme celle de La Cascadia, en Californie.
Un bassin-versant est quelque chose de merveilleux à prendre en compte : ce processus (pluie, cours d’eau, évaporation des océans) fait que chaque molécule d’eau sur terre fait le grand voyage tous les deux millions d’années. La surface est sculptée en bassins-versants – une sorte de ramification familial, une charte relationnelle et une définition des lieux. Le bassin-versant est la première et la dernière nation dont les imites, bien qu’elles se déplacent subtilement, sont indiscutables. Les races d’oiseaux, les sous-espèces d’arbres et les types de chapeaux ou les habits de pluie se répartissent souvent par bassins-versants. Pour le bassin-versant, les villes et les barrages sont éphémères et ne comptent pas plus qu’un rocher qui tombe dans la rivière ou qu’un glissement de terrain qui bouche temporairement la voie. L’eau sera toujours là et elle arrivera toujours à se frayer un passage. Aussi contrainte et polluée que puisse être la rivière de Los Angeles aujourd’hui, on peut aussi dire que de manière plus globale cette rivière est vivante et qu’elle coule bien en-dessous des rues dans des caniveaux géants. Peut-être que de telles déviations l’amusent. Mais nous qui vivons à l’échelle des siècles et non des millions d’années devons maintenir ensemble le bassin-versant et ses communautés afin que nos enfants puissent profiter de l’eau pure et de la vie qui gravite autour de ce paysage que nous avons choisi. Du plus petit des ruisseaux situés au sommet de l’arête jusqu’au tronc principal d’une rivière approchant les plaines, la rivière ne constitue qu’un seul lieu et qu’une seule terre.
Le cycle de l’eau inclut nos sources et nos puits, le manteau neigeux de la Sierra Nevada, nos canaux d’irrigation, nos stations de lavage et les saumons qui remontent la rivière au printemps. C’est la rainette crucifère dans l’étang et le pic glandivore qui papotent sur le reste d’un vieux tronc. La bassin-versant ne répond pas à la dichotomie ordonnée/désordonnée car ses formes sont libres, mais d’une certaine manière inévitables. La vie qui se développe à l’intérieur du bassin-versant constitue la première forme de communauté.
Cette communauté constituée au sein d’un bassin versant et la manière dont Snyder décrit les fonctions des conseils de bassin-versant font bien entendu écho à nos débats sur la mise en place d’assemblées de ruisseaux, de rivières, de fleuve et de bassin, même si, à certains égards, la façon dont est envisagée cette biorégion évoque aussi, comme on va le lire ci-dessous, les missions des « contrats de rivière » développés sur le territoire wallon.
Le programme d’un conseil de bassin-versant commence de manière modeste : « Essayons de réhabiliter notre rivière de telle manière que le saumon sauvage puisse s’y reproduire de nouveau ».En essayant de compléter ce programme, une communauté est susceptible de devoir lutter contre l’industrie forestière commercial en amont, l’accaparement de l’eau pour sa vente en aval, la pêche au filet taïwanaise au large dans le Pacifique Nord et toute une série d’autres menaces nationales et internationales pour la santé du saumon.
Si une foule de gens se joint à l’effort – des gens de l’industrie forestière et du tourisme, des ranchers et des paysans bien établis, des retraités qui pêchant à la mouche, des entreprises et les nouveaux arrivants qui vivent dans les forêts – quelque chose pourrait en sortir. Mais si cet accord commun était imposé d’en haut, ça n’irait nulle part. Seul un engagement populaire sur le long terme pour préserver le territoire peut apporter la stabilité politique et sociale nécessaire à la conservation de la richesse biologique des régions californiennes.
Toute la propriété des terres publiques est en fin de compte tracée dans le sable. Les limites et les catégories de gestion ont été créées par le Congrès et le Congrès peut s’en débarrasser. La seule « juridiction » qui durera dans le monde de la nature sera le bassin versant (…).
Une fois cette lecture faite, reste à effectuer le tri des accords (nombreux) et des divergences (nécessaires). Commençons par ce qui met à distance. Ce texte date de 1998, bien avant l’élection de Donald Trump, et nous sommes évidemment aujourd’hui moins certains que jamais que les intérêts des gens de l’industrie forestière puissent recouper ceux des nouveaux arrivants vivant dans les forêts… Comment vivre aujourd’hui avec l’illusion qu’il existe des objectifs qui seraient communs à l’humanité et qui sublimeraient les classes ou les injustices sociales ? L’idée même d’être, comme on l’entend encore fréquemment, « sur un même bateau » nous apparaît non seulement comme mensongère mais nous est surtout insupportable. Nous sommes en revanche sur un même océan, ce qui est très différent. Et sur cet océan, si certains naviguent en rafiot ou en canots comme ces nouveaux arrivants vivant dans les forêts, d’autres ont les moyens de voyager en yachts ou sur des navires de croisière. Et il devient de plus en plus incertain, par exemple, que les lois de la mer (parmi lesquelles figure le déroutement aux fins de sauvetage) aient encore un sens quelconque quand les naufragés sont considérés comme autant de surnuméraires. Nous ne pensons donc pas une seule seconde à la possibilité d’une alliance naturelle d’exploités et d’exploiteurs qui partageraient un même territoire dans un souci de gouvernement juste. Ce serait, nous semble-t-il, donner crédit à des idées fumeuses et par ailleurs toxiques comme la possibilité d’un dépassement moral du capitalisme ou la plausibilité d’une croissance verte et vertueuse. Alors, sans doute sommes-nous toutes et tous d’un bassin versant, mais nous ne sommes pas égaux dans le partage des eaux…
D’autre part, si nous ne pouvons être que d’accord avec Gary Snyder pour estimer qu’une telle initiative perdrait tout sens à être imposée par le haut (si « le haut » décrétait jamais qu’une telle communauté fût utile, ce qui est en soi fort douteux) et pour considérer qu’un bassin versant représente une forme politique et écologique souhaitable à bien des égards, il reste à considérer la situation particulière de l’Europe (qui explique peut-être pourquoi ces idées biorégionales ont mis environ 50 ans pour aborder les rives francophones de l’Atlantique).
L’Europe est en effet un continent où l’unité de langues n’existe pas, confrontant ainsi ces paysages de bassins versants à une donnée absente aux Etats-Unis. Si les sous-espèces d’arbres et les types de chapeaux ou les habits de pluie se répartissent souvent par bassins-versants et y font figure de limites ou de particularités, qu’en est-il alors de la langue et des dialectes ? La question est d’autant plus importante que la langue figure, en Europe, parmi les marqueurs identitaires les plus propices à des comportements d’exclusion ou d’hostilité. Et le risque – déjà présent dans l’idée même de constituer de territoires en dehors des Etats – serait alors de laisser s’installer une interprétation restrictive de l’idée même de pays dans le pays et d’en permettre une captation identitaire. Cette possibilité a été évoquée par un certain nombre d’opposants à cette idée de biorégion et elle n’est évidemment pas à prendre à la légère. C’est notamment une des raisons pour lesquelles il est essentiel de ne pas confondre la notion de terroir avec celle de territoire : les deux mots n’ont pas la même charge politique et symbolique et n’engagent pas de la même façon.
Le pays dans le pays, parce qu’il se présente comme une autre forme de légitimité en conflit et en combat avec la légitimité existante, s’éloigne de l’idée même d’un terroir idéalisé et des tentations purificatrices ou excluantes. Un pays dans un pays, ce n’est pas étanche. C’est même plutôt poreux. Faire pays dans un pays, ce n’est pas faire mouvement vers le passé. Mais c’est installer la condition d’un futur climatique socialement possible et d’un avenir social climatiquement vraisemblable.
En outre, faire pays dans un pays autour de bassins versants en Europe, c’est de facto installer les conditions d’une pluralité de langues, d’habits de pluie et de types de chapeaux. Si nous prenons, par exemple, les cinq bassins versants que comprend le territoire de la Belgique le constat est sans équivoque…. La Meuse et l’Escaut traversent les paysages de France, de Belgique et des Pays-Bas, l’Yser et la Seine sont franco-belges et le Rhin est néerlandais, belge, luxembourgeois, français, allemand, autrichien, suisse, italien et visite aussi le Liechtenstein pendant 160km…
Ne craignons donc pas une vision identitaire et souverainiste des bassins versants. Et pour nous rendre sûrs d’éliminer toute ambiguïté potentielle, la proposition que fait Gary Snyder de considérer comme première forme de communauté la vie qui se développe à l’intérieur du bassin-versant devrait valoir sauf-conduit. Par vie qui se développe, il faut bien entendu comprendre toutes les formes de vie qui se trouvent sur ce territoire. C’est-à-dire, à côté de celle des êtres humains qui y résident, celle de l’eau, de la rainette crucifère ou des sous-espèces d’arbres que l’on y trouve. Ou, pour le dire à la manière du philosophe Baptiste Morizot : ces formes d’intelligence qu’il s’agit de reconnaître « dans leur altérité, sans projeter en elles ce que nous sommes ». On le comprend aisément : une telle manière de concevoir la façon d’habiter un bassin versant se situe évidemment à mille lieues d’une approche dominatrice d’un territoire et de ses ressources et à des années-lumière des techniques de prédation et d’exploitation propres au productivisme.
Il y a cependant lieu de rester fort attentifs aux tentatives territoriales de remplacement de l’Etat qui ont lieu sous nos yeux au Mexique et en Syrie et qui, toutes deux, présentent une face solidaire et ouverte et un côté prédateur et tyrannique. Pour nous, ce qui se passe, s’est passé ou se passera au Chiapas et au Rojava fait figure d’inspiration concrète et laisse augurer une possibilité réelle d’instauration d’une nouvelle légitimité, mais en même temps, nous voyons bien que d’autres forces qui tentent elles aussi de délégitimer l’Etat mexicain ou syrien le font avec de tout autres objectifs. Dans « Après le capitalisme », le philosophe Pierre Madelin, qui vit au Chiapas, a raison d’attirer notre attention sur les rapports de force en présence.
Ainsi, au Mexique, la souveraineté de l’Etat est contestée à eux niveaux ; celui des puissants cartels de la drogue qui contrôlent de facto un nombre croissant de territoires et de ressources, et celui des mouvements sociaux comme l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) ou les milices citoyennes d’autodéfense qui ont décidé de prendre en main leur destin en luttant les armes à la main, contre les exactions du crime organisé ou des bras armés de l’Etat (qui sont en réalité souvent complices). C’est également le cas en Syrie, où la souveraineté de l’Etat et contestée à la fois par l’Etat islamique (Daesh) et par des populations auto-organisées, comme au Kurdistan.
C’est d’ailleurs sur ce point précis que se conclut « Pays dans un Pays, Un Manifeste » qui commence en faisant référence à « la barbarie qui vient » et se termine donc par ces lignes : « En fabriquant un pays dans un pays, nous fabriquons en même temps un rapport de force, une nouvelle légitimité. Cette légitimité en rencontrera une autre depuis longtemps installée. Nous ne doutons pas des conflits qui s’ensuivront ».
(1) Gary Snyder, Le Sens des Lieux, Ethique, Esthétique et Bassins-Versants, Editions Wildproject 2018. Gary Snyder est aujourd’hui âgé de 88 ans.
(2) Voir la scolie # 5 consacrée à cette notion de biorégion et à son analyse par Mathias Rollot.
(3) Voir la scolie # … (à venir) consacrée à la notion de biorégion.
(4) Voir la scolie # … (à venir) consacrée aux formes de gouvernement des ruisseaux, rivières, fleuve, bassin et autres situations du pays dans le pays.
(5) Baptiste Morizot, Sur la Piste animale, Actes Sud, 2018.
(6) Pierre Madelin, Après le capitalisme, essai d’écologie politique, Editions Ecosociété, collection Polémos, 2018.