20 mai, 2017, 10h du matin.
Nous sommes partis, à peu près en même temps, de Liège et de Tournai.
L’air était doux, sur l’Escaut comme sur la Meuse, et la clémence du climat augurait bien des jours prochains
Cette marche s’est donné pour proposition de créer des situations sur son passage en réparant l’espace public et en coopérant avec les habitants des quartiers traversés.
Ce pays dans le pays, nous le rendrons déjà visible et sensible dans la marche des réparations qui parcourra une grande partie des communes wallonnes au plus fort taux de pauvreté. Entre 36% pour une commune comme Fontaine l’Evêque et 59% pour Quiévrain.
Le travail du plasticien Emmanuel Bayon est à l’origine de cette proposition, un travail d’intervention de rue rendant plus visible et plus criant encore le manque ou le dégât qu’il répare. Un pavé descellé est remplacé, un nid-de-poule comblé, une gouttière rafistolée, un garde-au-corps consolidé. Toujours en rouge, pour souligner le geste, garder la trace, endiguer la disparition tant l’espace public souffre de désinvolture, des malfaçons dans lesquelles l’on fait vivre, de la dégradation à laquelle l’on condamne les pauvres.
Marcher pour ne pas dégrader, c’est la façon d’aller, la manière. Les repair cafés, les ateliers de couture, les rémouleurs, tout ce qui répare sera avec. Une ou deux rues à chaque étape, appelées à sortir et montrer tout ce qui ne va plus. Cette marche du bricolage et du coup de main, nous voudrions aussi l’imaginer comme une occupation nomade. On ne va plus chez les gens, à leur porte, frapper. Alors, on y va, on vient. Et si on passe, c’est pour revenir. Plus de bas-côtés, de bords de route, de fossés profonds où verser les invisibles et les disparaissants. Le territoire comme mutualisation, pour montrer qu’à la fin la coopération va mieux aux gens que la compétition. Le pays dans le pays est là, sous les pas. Il produit cette esthétique qui met ensemble la solidarité, le désir, la colère, le beau. Il dit que le peuple est la partie souffrante et dominée d’une population qui n’entend ni faire souffrir ni dominer une autre partie de la population.